Au détour d'un séjour en Angleterre, cet infatigable reporter rencontrera un rabbin orthodoxe parti faire l'aumône dans la communauté juive de Londres. Cela l'intrigue tant qu'il décide de le suivre et de partir sur les traces de cette communauté disséminée à travers le monde.
De Whitechapel à la Russie subcarpatique, de Transylvanie à la Bessarabie, de Varsovie à Lodz en passant par Tel Aviv et Jérusalem, il les rencontrera tous. Il partagera leurs souffrances, leurs espoirs. Il racontera les différences qu'il y a entre toutes ces communautés, laîques et religieux. les "assimilés" pour qui être juif n'est qu'un simple religion et qui se revendiquent du pays dans lequel ils vivent. Si en occident cela ne pose pas encore de problème, en Europe Centrale et Orientale il en va tout autrement. La "Question Juive" relève de la philosophie politique.
Albert Londres prend très vite conscience que la situation des juifs est très différente selon les pays où ils se trouvent : Angleterre, Tchécoslovaquie, Pologne, Russie et/ou Palestine. Pour mieux comprendre leur condition en 1929, il expliquera le passé et l'origine de cette marginalité : " l'église leur interdisant toute participation à la vie des Etats, en les reléguant dans l'impie ommerce de l'or, avait sans le prévoir, préparé les maîtres des Etats..." . Mais à servir les grands on irrite le peuple. Ce mépris du populaire fit bientôt place à la haine".
Ils se sont protégés en se cloîtrant dans des quartiers. On les y a enfermés. On a appelé cela ghetto. Ces endroits les ont préservés de la contagion européenne depuis le 16ème siècle. Ils y vivent avec leurs rêves, leurs espoirs, leurs doutes, et surtout leurs peurs. Ces juifs dont la grande peur au XXème siècle est le pogrom.
A côté de de cette perception d'esclavage et d'humiliations permanentes, Albert Londres rencontrera les pionniers de Palestine. Ces juifs ont décidé de vivre en affranchis, et de retourner sur la terre de leurs ancêtres pour y vivre libres. Qu'on ait appelé Foyer National et non Etat Juif l'installation des juifs en Palestine cela ne change rien au fait. Ils débarquaient non comme mendiants, mais comme citoyens . Ils ne demandaient plus l'hospitalité, ils prenaient possession d'un sol. Ils n'y seraient plus des gens tolérés, mais des égaux.
On sent en lisant ces articles se profiler la catastrophe. On ne perçoit pas encore d'où cela viendra. Cette situation ne pouvait durer ainsi éternellement. Tout aussi grave, les heures entre juifs et Arabes, dans une Palestine sou mandat britannique et déjà objet de tous les convoitises partisanes qui ne sont que l'introduction à un conflit encore présent dans cette région du monde. Au sujet d'un éventuel Etat Juif en Palestine, Albert Londres n'y croyait pas à son époque. Pour lui "ce projet n'est qu'un rêve, ensuite ce rêve est une chimère".
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Mon avis : ChezVolodia
J'ai littéralement dévoré ce livre, en l'écrivant Albert Londres ne pouvait savoir ce que celui-ci aurait de prophétique. A la lecture de son récit, on assiste à la résurgence d'un monde abandonné, disparu en Europe Centrale et Orientale, entre les vagues successives de pogroms programmés par : le Tsar, organisés par : les églises Orthodoxes, Catholiques, les Etats : comme la Ruthénie Subcarpatique, spontanés : comme la Pologne et bien d'autres encore.
Le juif désigné comme bouc émissaire de tous les maux, "n'oublions pas qu'ils ont crucifié le christ", qu'ils sont cupides et avares (avec comme seul métier autorisé celui de l'or, difficile de faire autrement). la possession de terres leur est interdite. Ils sont soumis au bon vouloir des rois, princes et seigneurs régnants. Tout en se devant de leur prêter de l'argent qu'on évitait de rembourser en préparant un pogrom.
Ces juifs vivant en vase clos très pieux au demeurant, voyant d'un mauvais oeil ces juifs fiers de l'être, libérés, qui relevaient la tête, venant dans leurs shetlets venant recruter des pionniers pour la terre promise (qui selon les hassids ne pouvaient leur être donnée que par Dieu). Malgré la joie d'un retour sur la terre leur ancêtres, la peur de l'inconnu, malgré la menace des pogroms, était souvent la plus forte, d'autant que leurs rabbins prononçaient des anathèmes envers tous ces apikorsim.
Cette différence entre pieux et intégrés, Orient et Occident, Ashkénazim et Séfardim existe toujours de nos jours et pose de grands problèmes en Israêl. Avec le recul et en lisant ce livre on comprend un tout petit mieux pourquoi la suite est arrivée. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque les fellahs vendaient eux-mêmes leur terre aux juifs à un prix prohibitif et que le grand Muffti de Jérusalem, bien avant de serrer la main de Hitler, n'a pas hésité à monter les fellahs et tous les autres Arabes en organisant des pogroms envers les hassids, qui eux ne portaient pas, ne portent toujours pas et ne porteront jamais les armes.